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Chroniques de la guerre de 1870

Les chroniques d'époque

 

Constituées d'articles de presse de l'époque, nos chroniques vont vous immerger dans l'ambiance de la guerre 1870. Avec le style inimitable du moment, elles vous emmèneront faire le tour des armées, des discours des autorités, des communiqués de guerre mais aussi de la vie des civils.

La guerre franco-allemande de 1870 opposa le Second Empire français et les états allemands unis derrière le royaume de Prusse. C'est pourquoi elle est parfois appelée guerre franco-prussienne. Le conflit marqua le point culminant de la tension entre les deux puissances, résultant de la volonté prussienne de dominer toute l'Allemagne, qui n'était alors qu'une fédération d'États indépendants. La guerre se déroula du 19 juillet 1870 au 29 janvier 1871 et conduisit à la création de l'Empire allemand. La défaite entraîna la chute de l'Empire français et l'instauration de la IIIe République.

Mais les conséquences de cette guerre furent en fait beaucoup plus nombreuses : guerre civile en France (la Commune), annexion des Etats pontificaux en Italie, modification profonde de l'art de la guerre et de la stratégie.

Illustration: Napoléon III et le baron Haussman. DR
 

 

 

"Nous sommes prêts et archi-prêts, il ne manque pas à notre armée un bouton de guêtre." Général Le Boeuf

 

 

 

 

 

Source des textes en italique violet: La Guerre illustrée, n°1 (juillet 1870) à 69 (mercredi 22 mars 1871)


 

Paris, Juillet 1870

 

Le jour où l'Empereur appris la candidature du prince de Hohenzollern au trône d'Espagne, il dit à M. de Gramont, ministre des Affaires étrangères : "La Prusse veut la guerre, elle l'aura ! "

Commentaires: Le 14 mai 1870, Gramont fut rappelé à Paris pour être nommé ministre des Affaires étrangères : c'est le point culminant de sa carrière en même temps que la cause de sa perte politique et personnelle. Partisan convaincu d'une alliance avec l'Autriche et l'Italie, il méconnaît l'ascension de la Prusse. Lorsque l'Espagne envisager de porter sur son trône le prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen, issu d'une branche latérale de la maison royale de Prusse, il fit aux chancelleries étrangères des déclarations d'une rare violence, qui furent à l'origine de l'escalade qui devait conduire à la déclaration de guerre à la Prusse le 18 juillet 1870.
L'Empereur prendra, comme en Italie, le commandement en chef de l'armée et le major-général de l'armée sera le maréchal Le Bœuf.
Tous les commandements de l'armée sont nommés. La première armée sera commandée par le maréchal Mac Mahon et la flotte appelée à agir sur la Baltique sera placée sous les ordres de l'amiral Bouët-Willaumez. Le Prince impérial ira sur les frontières du Rhin. L'Empereur le veut et l'Impératrice désire que le jeune sous-lieutenant d'infanterie commence sur le champ de bataille son apprentissage de soldat ou plutôt de général.
Toute la maison militaire de l'Empereur prend ses dernières dispositions pour se rendre à la frontière.


Le roi de Prusse

"Le roi de Prusse est le chef de la maison de Hohenzollern et l'esprit de cette famille royale se manifeste tout entier dans l'ambition dévorante, insatiable, qui n'a jamais cessé de poursuivre tous les souverains que cette grande famille a donnés à la Prusse.
« Prendre, toujours prendre » disait un diplomate, tel est le mot avec lequel on écrit l'histoire de la maison de Hohenzollern.
C'est ainsi que non contente de la couronne prussienne, le roi Guillaume voudrait arriver aujourd'hui à se faire couronner empereur d'Allemagne. Et c'est pour atteindre ce but suprême de son ambition que le roi de Prusse, sous les auspices de M. de Bismarck, a commencé par attaquer l'Autriche, qu'elle appelait un « peuple pourri » et qu'elle a vaincu à Sadowa. Mais la grande et mémorable campagne de 1866, que les Prussiens appellent avec orgueil « la campagne de six jours », n'a fait arriver le roi Guillaume qu'à la moitié de son but. Cette campagne a mis sous sa main l'Allemagne du Nord ; mais il lui faut l'Allemagne du Sud avec le titre d'Empereur d'Allemagne.

Le roi Guillaume, qui est tout pénétré d'idées absolutistes et mystiques et qui a voulu être sacré comme roi de droit divin, veut absolument porter les lauriers de César.
Son intraitable orgueil ne s'est-il pas insolemment révélé dans la réponse qu'il a faite porter à notre ambassadeur par un adjudant de service ? La France n'a jamais supporté un pareil outrage.»

Commentaires : Guillaume Ier d'Allemagne (Wilhelm I. ou Wilhelm Friedrich Ludwig von Preußen), né le 22 mars 1797 et mort le 9 mars 1888 à Berlin, fut le cinquième roi de Prusse de 1861 à 1888, et le premier empereur allemand de 1871 à 1888.
Il se consacre d'abord à la carrière militaire et prend part aux campagnes contre Napoléon Ier en 1814 et en 1815. Aristocrate, il est la cible des libéraux en 1848 et doit se réfugier en Angleterre. Au décès de son frère aîné, Guillaume lui succède le 2 janvier 1861 quand celui-ci meurt sans postérité.
En 1858, la Prusse connaît un tournant libéral, les partis progressistes remportent plusieurs succès électoraux (1858, 1861). La question militaire va cependant opposer le roi au Parlement. Bloqué par le Landtag qui refuse de voter les crédits militaires dans la mesure souhaitée par le roi et son ministre de la guerre Albrecht von Roon, Guillaume songe à abdiquer. Il appelle Otto von Bismarck, dont il craignait jusqu'alors les idées d'alliance avec la France, au pouvoir et dès lors son gouvernement évolue vers l'absolutisme.
En 1864, Bismarck entraîne la Prusse dans une guerre victorieuse contre le Danemark (guerre des duchés) et donne à la Prusse le Holstein.
Deux ans plus tard, Bismarck tend un piège à François-Joseph en poussant celui-ci à déclarer la guerre à Guillaume Ier: le roi de Prusse est maître de la Confédération allemande après la victoire de Sadowa sur les Autrichiens le 3 juillet 1866.


 

Les mitrailleuses

 

"Le secret des mitrailleuses est un peu aujourd'hui le secret de la comédie. Toutes n'ont qu'un seul but : tuer le plus possible et le plus vite possible. En présence des prodigieuses armées qui vont s'entrechoquer, cette idée épouvante et donne le frisson.
C'est donc de ce côté que se porte anxieusement l'attention du public et c'est pour ce motif que nous mettons sous les yeux de nos lecteurs un modèle de mitrailleuse. [...] c'est une révolution tout aussi radicale que celle des monitors et des torpilles et il est certain que la stratégie devra désormais complètement modifier ses plans. Les lignes de bataille et l'action de la cavalerie deviennent réellement impossibles devant ces puissants engins de guerre. Où s'arrêtera donc l'art de tuer ?
Ces mitrailleuses préoccupent la Prusse. Elle va en connaître les merveilles mais elle a bien mis du temps à y arriver et elle avait depuis longtemps cherché à en percer le secret. [...] On le voit, la Prusse avait bien envie de connaître nos mitrailleuses. Elle va être servie à souhait : on lui en expédie trente-six batteries à destination de Berlin."


Commentaires: Les mitrailleuses étaient considérées comme une arme dont le développement devait rester le plus secret possible. La paternité de ces armes revient à un officier d'artillerie, le capitaine de Reffye. Le financement des études s'effectua sur les fonds propres de Napoléon III. C'est ainsi que la France fut un des tous premiers pays à essayer ce genre d'armement.
Elles prirent rapidement le nom de « demoiselles « ou de « canons à balles ». Leur capacité de tir était d'environ de 130 coups par minute avec un système manuel à manivelle. Voici le principe plus exactement décrit par Michel B.: "Le mouvement arrière de la culasse arme les 25 percuteurs  qui sont libérés par le coulissement lateral d'une plaque perforée poussée par le filetage  d'une petite manivelle sur le coté droit. Ces manivelles ont été perdues et manquent sur toutes les mitrailleuses encore existantes sauf celle de la salle Chanzy du musée de l'Armée à Paris. La grosse manivelle manoeuvre la culasse qui vient comprimer la plaque perforée contenant les cartouches. La portée theorique était de 3400m et pratique( utile) de 2800m. La piece pesait 712kg et 1485 kg avec l'avant train qui contenait les cartouches et les plaques porte-cartouches. La dispersion était faible".

L'influence des mitrailleuses sur la tactique fut limitée. En fait, elles furent considérées comme de l'artillerie et, à ce titre, principalement pensées dans une guerre de position.


Metz, 4 août 1870: les Cent-Gardes

 

"Les cent-gardes sont à Metz depuis le 27 [juillet]. Ils ont conduit avec eux 97 chevaux. Ils portent la petite tenue, képi et tunique bleue avec aiguillettes. La garde impériale est aussi arrivée à Metz. Le 26, c'étaient les chasseurs et les voltigeurs qui faisaient leur entrée. Ils venaient à pied, en une seule étape, de Pont-à-Mousson. Ils campent au Ban-Saint-Martin. Le lendemain, c'était le tour des grenadiers et des zouaves.
Ici nous passons la parole au reporter de Paris-Journal : « Les drapeaux passaient enveloppés dans leur gaine et la foule saluait les drapeaux. En effet, c'étaient les zouaves de la garde. Les zouaves, cette troupe unique dans le monde, qui possède à l'extrême toutes les qualités et peut-être les défauts de notre armée. Les grenadiers avaient la placidité du courage et le calme de la force ; les zouaves, tout naturellement sans pose, en avaient l'effronterie et l'orgueil. En tête du régiment s'avançait le tambour-major, grand, mince, formidablement fort, marchant de cette allure déhanchée que connaît bien tout Parisien du boulevard Montmartre. Derrière lui, les clairons sonnant la fanfare ; le colonel froid - l'habitude des ovations - les officiers, sabre au fourreau canne à la main ; le drapeau, une sorte de loque décolorée, hachée, trouée, le legs de ceux qui ne sont plus à ceux qui restent ; et après, les soldats marchant irrégulièrement en lignes brisées, chargés à plier, traînant la guêtre et trouvant le moyen de faire de grandes enjambées, regardant à peine la foule qui les acclamait, peu émus, mais gouailleurs.
Salut zouaves, les Parisiens de l'armée ! »

La Guerre Illustrée, n°4, 4 août 1870

Commentaires: L'escadron des Cent-gardes à cheval est un corps d'élite de cavalerie du Second Empire attaché à la personne de l'empereur Napoléon III. Il est créé par décret du 24 mars 1854 sur le modèle des Life Guards britanniques. Garde personnelle de l'Empereur, il ne fait pas partie de la Garde impériale.
L'escadron escorta l'Empereur pendant la campagne d'Italie à Magenta et Solférino et pendant la guerre de 1870 où une partie de l'escadron accompagna l'empereur à Metz. À Sedan ils furent en permanence à ses cotés.
L'escadron est dissous par décret du 1er octobre 1870 et est versé au 2e régiment de marche de cuirassiers dont il forma le premier escadron. Ce régiment participa avec courage à la défense de Paris.


Paris, 3 septembre 1870: Proclamation du Conseil des Ministres au Peuple Français

"Français,
Un grand malheur a frappé la patrie.
Après trois jours de lutte héroïque soutenue par l'armée du maréchal Mac-Mahon contre 300 000 ennemis, 40 000 hommes ont été faits prisonniers. Le général Wimpffen, qui avait pris le commandement de l'armée, en remplacement du maréchal Mac-Mahon, grièvement blessé, a signé une capitulation. Ce cruel revers n'ébranle pas notre courage. Paris est aujourd'hui en état de défense.
Les forces militaires du pays s'organisent. Avant peu de jours, une armée nouvelle sera sous les murs de Paris, une autre armée se forme sur les rives de la Loire. Votre patriotisme, votre union, votre énergie sauveront la France.
L'empereur a été fait prisonnier dans la lutte.
Le gouvernement, d'accord avec les pouvoirs publics, prend toutes les mesures que comporte la gravité des événements."


9-10 novembre 1870 : Reprise d’Orléans par les Français : Bataille de Coulmiers

 

Gambetta à Trochu :
« L'Armée de la Loire, sous les ordres général d'Aurelles de Paladines, s'est emparée hier d'Orléans [10 novembre 1870], après une lutte de deux jours. Nos pertes, tant en tués qu'en blessés, n'atteignent pas 2000 hommes ; celles de l'ennemi sont plus considérables. Nous avons fait plus d'un millier de prisonniers et le nombre augmente par la poursuite.
Nous nous sommes emparés de deux canons, modèle prussien, de plus de 20 caisses de munitions et attelés, et d'une grande quantité de fourgons et voitures d'approvisionnement. La principale action s'est concentrée autour de Coulmiers, dans la journée du 9. L'élan des troupes a été remarquable malgré le mauvais temps. »
Tours, le 11 novembre 1870

« La lutte a duré deux jours et probablement 2 ou 3 divisions prussiennes, commandées par le général de Thann ont été engagées. C'est donc une affaire sérieuse qui est pour nous pleine de promesses et d'espérance. Paris n'est pas abandonné à ses seules ressources. Les départements ont compris que l'intérêt de leur défense ne faisait qu'un avec le notre et qu'en attendant l'ennemi chez eux, ils lui livreraient la France»
Journal Officiel, le 15 novembre 1870


Commentaires: Le 9 novembre 1870 les Français remportent à Coulmiers leur première indiscutable victoire depuis le commencement de la guerre. 65 000 français forcent 22 000 allemands (Ier Corps bavarois) à battre en retraite et, le 10, les Bavarois évacuent Orléans qui est de nouveau occupé par les troupes françaises. Ces nouvelles redonnent espoir au gouvernement de la Défense nationale et l'idée d'une sortie de Paris pour tenter une percée commence à apparaître.

 

A suivre.....!

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